Soy Cuba
Soy Cuba (Я — Куба, Ya - Kuba) est un film dramatique soviéto-cubain à sketches réalisé par Mikhaïl Kalatozov et sorti en 1964. Il est tourné peu après la victoire de la révolution cubaine, l'instauration du régime socialiste à Cuba et l'établissement de relations soviéto-cubaines privilégiées.
Le scénario est écrit par le poète soviétique Ievgueni Ievtouchenko et l'écrivain cubain Enrique Pineda Barnet. Ievtouchenko s'est rendu plusieurs fois à Cuba et a consacré un cycle de poèmes à la transformation révolutionnaire. En 1963, il achève un poème en prose, Soy Cuba, qui sert de base au scénario. Sur le plan thématique, le film s'inspire des événements pré-révolutionnaires, l'oppression du peuple cubain par le régime pro-américain de Fulgencio Batista et le début du soulèvement. Sur le plan narratif, il se compose de quatre histoires sans lien entre elles, et l'action est accompagnée d'un commentaire en voix hors champ du nom de « Cuba ». Dans les années 1960, en raison de la diffusion des idées socialistes, le thème de la révolution est devenu pertinent non seulement pour le cinéma soviétique, mais aussi pour le cinéma occidental. Le sujet et le style du film de Kalatozov sont également influencés par les changements politiques et sociaux d'alors en Union soviétique (déstalinisation, dégel de Khrouchtchev) et par le regain d'intérêt pour les recherches avant-gardistes du cinéma soviétique des années 1920. Il contient des références et des allusions non seulement aux premières œuvres de Kalatozov et du cinéma d'avant-garde soviétique portant sur des thèmes révolutionnaires, mais aussi celles du cinéma occidental telles que La dolce vita (1960) de Federico Fellini, Spartacus (1960) de Stanley Kubrick ou El otro Cristóbal (1963) d'Armand Gatti.
Le film est tourné de 1963 à 1964 avec une aide considérable des autorités soviétiques et cubaines, pendant l'un des épisodes les plus intenses de la guerre froide : la crise des missiles de Cuba et le blocus américain de l'île qui entraîne une situation économique délicate dans le pays. Au cours des mois de préparation et pendant le tournage, des spécialistes soviétiques ont formé les cinéastes cubains à acquérir un savoir-faire professionnel. Des figures éminentes de l'art cubain — le scénariste Pineda Barnet, l'artiste René Portocarrero, le compositeur Carlos Fariñas et d'autres — ont participé au film. Des centaines de figurants ont participé à certaines scènes de foule. La distribution est majoritairement semi-professionnelle, à l'exception de quelques interprètes expérimentés comme Jean Bouise ou Sergio Corrieri, et les marins américains du film sont interprétés par des Européens.
Tout en ayant une intrigue clairement propagandiste et un parti pris anti-américain, le film se distingue par un grand professionnalisme technique, qui est principalement attribué aux innovations du chef opérateur Sergueï Ouroussevski et de son équipe. Ce fut la dernière collaboration entre le chef opérateur et le réalisateur Kalatozov. Dans le film ont été utilisées des prises de vue complexes en termes de mise en scène (assemblage et telescopage de plans lors du montage, tournage de scènes dynamiques avec une caméra portative transférée de main à main, utilisation de structures d'ingénierie créées ad hoc, etc.). Lorsque le film sort en 1964, il est froidement accueilli par la critique et le public, tant soviétique que cubain. On lui reproche surtout sa faiblesse scénaristique, son manque de conviction dramaturgique, ses personnages et ses dialogues stéréotypés, son pathos excessif et son désir outrancier d'expérimentation. Il a été vu par 5,3 millions de spectateurs au cours de son année d'exploitation au box-office soviétique, et s'est classé à l'avant-dernière place (39e) parmi les films nationaux. Pourtant, malgré les accusations de formalisme, de nombreux critiques du film ont noté ses qualités visuelles et stylistiques exceptionnelles. Il a remporté le Grand Prix lors du VIe Congrès de l'Union internationale des associations techniques cinématographiques (UNIATEC) à Milan.
Longtemps resté inaccessible au public, le film a surtout fait l'objet de publications spécialisées. Un regain d'intérêt est apparu au début des années 1990, lorsqu'il s'est repopularisé dans les milieux professionnels. Au milieu des années 1990, les cinéastes américains Francis Ford Coppola et Martin Scorsese discernent immédiatement ses qualités artistiques derrière les clichés idéologiques et décident de contribuer à le repopulariser auprès du grand public. Le film a été restauré, présenté dans divers festivals de cinéma et projeté dans le cadre d'études cinématographiques et de séances spécialisées. Le travail visuel de la caméra a été salué par les critiques, les réalisateurs et les chefs opérateurs. En 2005, un documentaire brésilien, Soy Cuba, le mammouth sibérien, est consacré à la création du projet cinématographique soviéto-cubain.
Synopsis Soy Cuba
Les critiques de cinéma contemporains considèrent le film épique I Am Cuba comme un chef-d'œuvre moderne. La coproduction cubano-soviétique de 1964 a marqué un tournant dans la collaboration culturelle entre les deux nations. Pourtant, le film n'a jamais trouvé un public de masse et a langui pendant des décennies jusqu'à sa réintroduction en tant que "classique" dans les années 1990. Vicente Ferraz explore l'étrange histoire de ce tour de force cinématographique et sa signification profonde pour ceux qui ont participé à sa création..